Cet article “Je veux diminuer ma consommation de cigarettes” (fumer moins) est la suite de Je fume des cigarettes roulées, c’est moins nocif
En dernier ressort, quand le poids des arguments précédents ne suffit plus à masquer l’importance de se libérer de cette habitude mortelle, une dernière tentative de désamorçage s’engage. Celle de la négociation.
Peut-être que je ne suis pas obligé·e d’arrêter de fumer complètement, que je peux y aller progressivement, que je peux garder juste les cigarettes plaisir, ou que je peux remettre ça à plus tard…
Peut-être que je peux juste fumer moins ?
Si l’idée est de diminuer les risques en fumant moins, cela ne fonctionnera de toute façon pas1.
Dans le cadre d’une addiction, il est toujours beaucoup plus difficile de diminuer sa consommation que de l’arrêter totalement.
Je me souviens l’avoir tenté lorsque je fumais il y a des années : me limiter à dix cigarettes par jour. Comme si cela allait changer quoi que ce soit ! Mais pour moi, à l’époque, cela avait du sens. Je voulais me prouver que j’avais la maîtrise de ma consommation et donc que je n’étais pas complètement drogué.
Je me racontais que je limitais les risques et que j’arrêtais de glisser sur la pente savonneuse de l’addiction.
Mais voilà ce qu’il s’est passé. Comme j’avais pris l’habitude de fumer beaucoup, il y avait plus de dix moments dans la journée où j’étais tenté par l’idée de fumer une cigarette. J’étais donc obligé de me discipliner. Je pensais à l’avance au manque que j’allais ressentir plus tard dans la journée si je ne maîtrisais pas l’envie du moment.
J’avais des dialogues intérieurs quasi-permanents : « Si je la fume maintenant, il ne va plus m’en rester que six pour la fin de la journée et je risque de galérer ce soir… Donc, si je veux m’en tenir à ce que j’ai décidé, il faudrait que j’attende encore une heure pour la prochaine… allez encore 50 minutes. »
Bref, on y pense en permanence et cela occasionne énormément de frustration et de stress.
Le problème, c’est que comme on n’arrête pas, notre cerveau ne peut pas revenir à un mode de fonctionnement normal sur le plan des endorphines et des dopamines2. On n’entame pas de phase de sevrage. La personne reste dans un état de manque quasi permanent. Cela qui demande des efforts de volonté continus pour maintenir cette décision.
Une étude publiée dans Psycho-Pharmachology en 1976 le démontre. On le sait donc depuis longtemps. Les personnes qui arrêtent complètement ressentent environ 60 % de manque et d’envie de cigarettes de moins que ceux qui diminuent leur consommation3. Le manque diminue également beaucoup plus rapidement pour ceux qui arrêtent complètement.
Comme on ne peut pas maintenir ce genre d’efforts sur le long terme, la plupart des personnes finissent par craquer et par revenir à leur niveau de consommation antérieur.
Certains tabacologues préconisent d’arrêter la cigarette par une diminution par paliers de leur consommation. A mon avis, même si cela peut fonctionner chez certaines personnes, c’est sans aucun doute l’un des chemins les plus difficiles.
Il est beaucoup plus facile d’arrêter complètement que de diminuer.
De plus, diminuer n’apporte pratiquement aucun bénéfice pour la santé donc quel intérêt ? On a démontré que lorsque l’on diminue sa consommation en nombre de cigarettes fumées, on a tendance à plus tirer sur celles que l’on fume, ce qui cause une inhalation plus importante des cigarettes restantes. Quand on mesure les taux de monoxyde de carbone (CO) expiré suite à une diminution du nombre de cigarettes fumées par jour, ce taux reste inchangé. Il n’y a donc que peu d’effet, voire aucun lié à une diminution.
De nombreuses personnes en consultation me confient à quel point telle personne de leur entourage qui a arrêté « du jour au lendemain », d’un coup, les impressionne.
Je leur réponds toujours que si on n’arrête pas « du jour au lendemain », cela signifie qu’on continue.
Arrêter complètement est la seule manière de mettre fin au comportement. Toute autre méthode le fait perdurer. C’est encore une fois se mentir à soi-même. Se permettre de continuer tout en se persuadant qu’en réalité on est en train d’arrêter.
Lorsqu’on cherche à arrêter progressivement la cigarette, en diminuant sa consommation, on entre dans l’obsession de la cigarette. Le rythme que l’on s’impose n’est pas notre rythme habituel pour fumer. Comme on ne s’interdit pas de fumer complètement, chaque pensée se transforme en envie.
L’enfer ! Presque personne n’y parvient. Tout le monde revient tôt ou tard à son rythme habituel avec cette méthode.
Mon conseil : continuez de fumer ou arrêtez, mais abandonnez l’idée d’un arrêt progressif ou d’une diminution de la consommation.
Sources
1 Voir Ce n’est pas trop pressé, je suis un petit fumeur et côté santé tout va bien
2 Voir Fumer me détend… enfin, je crois !
3 1976, Smoking withdrawal symptoms in two weeks of abstinence, Saul M. Shiffman Murray E. Jarvik, Psychopharmacology January 1976, Volume 50, Issue 1, pp 35–39
Cet article est un extrait du livre : Arrêter de fumer n’a jamais été aussi facile !
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