Interdire la cigarette, une bonne idée ?

L’État devrait interdire la cigarette … pas si sûr !

➜ Cet article “L’État devrait interdire la cigarette … pas si sûr !” est la suite de Le vrai coût de la cigarette.


C’est la faute de l’État.

J’ai entendu des centaines de fois la phrase : «  Je ne comprends pas pourquoi la cigarette n’est pas interdite par l’État. », souvent assorti d’un : « Il s’engraisse sur le dos des fumeurs. »

Peut-être que, comme 56% des Français, vous pensez que la vente de tabac rapporte plus à l’État qu’elle ne lui coûte en dépenses de santé.

Le problème posé par ce questionnement est :

  • qu’il vous pose (encore) en position de victime, passive. Vous n’êtes pas capable de faire les choix qui sont bons pour vous. Il est nécessaire qu’on vous les impose ;
  • qu’il transforme votre « dissonance cognitive » en colère vis-à-vis de l’État, ce qui ne vous aide en rien si vous voulez changer. Ce malaise est une énergie qu’il faut utiliser à bon escient pour changer facilement. Si vous la dissipez n’importe où, vous n’en avez plus pour vous transformer ;
  • qu’il reste basé sur des informations fausses et n’est pas réflechi.

Premièrement, n’est-ce pas la démonstration que vous pourriez arrêter facilement si quelqu’un vous l’imposait ? Suivre la décision prise par quelqu’un d’autre est facile, mais prendre cette décision vous-même et vous discipliner serait au-delà de vos forces ? Cela montre que l’obstacle principal n’est pas au niveau des efforts à fournir réellement pour arrêter de fumer, mais bien du fait de sauter le pas et de se lancer une bonne fois pour toutes vers la liberté.

Parlons ensuite de l’interdiction. En France, il est illégal de vendre, d’acheter et de consommer du cannabis. Pourtant, les personnes qui cherchent à en consommer n’ont aucun problème pour s’en procurer auprès de ceux les plus enclins à enfreindre la loi.

Ce n’est pas un secret : le trafic de cannabis alimente la criminalité, voire même le terrorisme.

Interdire la vente de cigarettes serait fournir un nouveau marché à ces personnes.

Pas vraiment souhaitable.

On a déjà partiellement interdit la vente de cigarette

On peut rétorquer que la proportion de personnes qui fument la cigarette est plus élevée que celle qui fume du cannabis et sans doute que l’interdiction du cannabis y est pour quelque chose.

Certes, on a déjà interdit et punie par la loi1 la vente de cigarettes à des mineurs. La grande majorité des fumeurs ayant commencé avant 18 ans, cette loi visait à régler ce problème. Mais force est de constater qu’elle est inappliquée ou inadaptée. Elle n’empêche pas les mineurs de fumer : il n’y a qu’à passer devant un collège ou un lycée pour s’en rendre compte. Si cette interdiction avait fonctionné, sans doute qu’il y aurait énormément moins de fumeurs aujourd’hui. La plupart n’aurait pas pu commencer à l’adolescence. Les probabilités de commencer diminuent ensuite fortement à mesure que l’on vieillit.

Pour résumer, les mesures d’interdiction semblent ne pas être efficaces car elles peuvent être contournées facilement.

Prix et ventes de cigarettes
Prix et ventes de cigarettes

L’autre aspect de l’argument est que l’État s’engraisserait avec les taxes. Au final, si le tabac n’est pas interdit, c’est une histoire de « gros sous ».

Rien n’est plus faux2.

En 2015, les « recettes » de l’État français générées par le tabac sont :

  • 14 milliards d’euros de taxe ;
  • 6,6 milliards d’euros de retraites non versées pour cause de décès prématuré ;

soit 20,6 milliards d’euros.

S’agissant des « dépenses » :

  • 16,3 milliards d’euros de dépenses de santé ;
  • 3,3 milliards d’euros d’impôts non encaissés pour cause de décès prématuré ;

Soit 19,6 milliards d’euros.

Si on en restait là, on pourrait conclure que l’État gagne 1 milliard d’euros par an grâce à la cigarette, mais ce serait sans compter tous les coûts indirects.

Le tabac appauvrit les entreprises à cause des arrêts maladie et des décès liés au tabagisme. On estime ce manque à gagner à 16 milliards d’euros pour 2013. Autant de rentrées en moins au niveau des impôts sur les sociétés.

De nombreuses dépenses viennent s’ajouter à cela, comme celles des campagnes de prévention, de répression, de soin, ainsi que des « coûts cachés », pour reprendre l’expression utilisée par les économistes, représentées par la perte de qualité de vie pour tous, la valeur des vies humaines perdues…

Au final, le coût sociétal global, selon une autre étude menée en 2010 par Pierre-Alexandre Kopp, Professeur d’Économie à l’Université Panthéon-Sorbonnes, s’élèverait à plus de 10 milliards d’euros par an. L’auteur de l’étude estime que pour que le coût sociétal de la cigarette soit neutre, sur le plan financier uniquement bien entendu, il faudrait que le prix du paquet atteigne une moyenne de 45 euros. Chaque paquet acheté 10 euros coûte donc en moyenne environ 35 euros de plus à la société.

L’État ne gagne pas d’argent avec la cigarette, au contraire il s’appauvrit.


Sources

1 Depuis 2009 seulement, avant c’était l’interdit portait sur les moins de 16 ans.

2 Selon une étude de 2015 du cabinet microeconomix


Cet article est un extrait du livre : Arrêter de fumer n’a jamais été aussi facile !

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