Tabac et bébé fertilité grossesse cigarette

Cigarette et fertilité, grossesse, naissance

➜ Cet article “Cigarette et fertilité, grossesse, naissance” est la suite de Fumer nuit à l’avenir de vos proches.


Il est étonnant de constater avec quelle facilité la plupart des femmes arrêtent de fumer lorsqu’elles apprennent qu’elles sont enceintes. C’est vrai qu’aujourd’hui les risques sur le fœtus, sur le bon déroulement de la grossesse et sur le développement ultérieur de l’enfant sont désormais assez connus.

D’un coup, sans effort, plus une cigarette et pas de manque !

Eh bien ! Ne pensaient-elles pas auparavant qu’il était dur d’arrêter de fumer ?

Rappelez-vous : ce n’est pas une histoire de volonté mais de motivation !

La conception

Avant l’étape de la naissance il faut tomber enceinte et le tabagisme, qu’il soit maternel ou paternel, augmente la durée et le délai de conception et ce d’autant plus que le tabagisme est important.

Chez la femme, le tabac diminue la réserve ovarienne en ovocytes, a un effet anti-œstrogènes avec en particulier une altération de la glaire cervicale qui a pour utilité de retenir les spermatozoïdes viables et de faciliter leur voyage. La cigarette favorise la production d’androgènes surrénaliens qui entraîne une virilisation. Par ailleurs, le tabac diminue la fécondité par augmentation des infertilités d’origine tubaire (dues à une obstruction des trompes) ainsi que le nombre de grossesses évolutives. Le taux de réussite des fécondations in vitro est diminué1.

En outre, fumer peut causer une ménopause précoce chez la femme. Il avancerait l’âge de la ménopause d’en moyenne cinq ans ! Ceci concernerait 23 à 30 % des fumeuses, et plus elles fument, plus l’effet est important2 3.

Chez l’homme, une étude de 2015 publiée dans Worlds J Mens Health4 conclue que la fertilité est impactée par le tabagisme, même en l’absence d’anomalies constatées lors des examens médicaux standards. De plus, les changements génétiques et épigénétiques observés sont corrélés directement à une réduction du fonctionnement normal des spermatozoïdes et de la fertilité. Les auteurs concluent que les hommes qui fument tout en tentant de concevoir un enfant devraient considérer l’arrêt de la cigarette, même en présence de résultats d’examens rassurants.

Cigarette : les risques liés à la grossesse

Une fois enceinte, les vrais problèmes ne font que commencer, avec un risque de grossesse extra-utérine fortement augmenté en fonction de la consommation. Pour que ce risque redevienne standard, il est nécessaire d’arrêter de fumer un mois avant la conception5.

Le risque de fausse couche peut être multiplié par trois suivant votre consommation, allant de 15 % à 35 % de fausses-couches pour les plus grosses fumeuses (35 cigarettes par jour)6. Ce risque est bien entendu également augmenté par le tabagisme passif.

On rencontre aussi des risques accrus de métrorragies7, d’hématome rétroplacentaire ou d’insertion basse du placenta.

Les risques de prématurité sont trois fois plus fréquents, mais peuvent disparaître si la femme a arrêté de fumer avant la conception.8

La future maman aura davantage de risques d’hypertension artérielle (potentiellement mortelle rappelons-le), de vergetures, d’anomalies de cicatrisation après césarienne et de modifications de certains paramètres biologiques (glycémie, taux d’insuline, hGC9). Les risques bucco-dentaires, liés à la perte de certaines vitamines et minéraux, sont également accentués. Mais puisque vous aviez déjà les dents tâchées, ce n’est pas bien grave si elles se déchaussent aussi !

Bonne nouvelle : dès 8h après l’arrêt, les risques de mortalité fœtale commence à diminuer.

Pour le fœtus

Chez le fœtus, le risque majeur est celui d’un retard de croissance. Même une faible consommation de cigarettes ralentit la croissance fœtale10 11.

Le tabagisme maternel peut également entraîner des malformations fœtales. Ce risque semble significatif pour une consommation supérieure à vingt cigarettes par jour.

Autre risque lié au tabac pendant la grossesse : la mort fœtale in utero (MFIU). 11% des MFIU tardives seraient imputables au tabac en raison des complications placentaires et du risque de croissance intra-utérine.

Enfin, pour le fœtus, le tabac diminue la fréquence respiratoire, la variabilité du rythme cardiaque, les mouvements et il augmente le débit et la fréquence cardiaque.

Personnellement, je trouve hallucinant que certains médecins conseillent à leurs patientes enceintes de continuer à fumer plutôt que d’exposer le bébé au stress lié au sevrage. Peut-être s’agit-il de médecins qui eux-même fument (il y en a étonnamment un très grand nombre) et se mentent également sur les risques du tabagisme. Peut-être ont-ils tendance à sous-estimer les risques de la cigarette sur la grossesse également ? Ce qui peut fausser la qualité de leurs conseils concernant le tabac. En outre, la cigarette étant facteur de stress, la grossesse sera évidemment plus sereine sans en consommer12. Il est démontré que les bénéfices apportés par l’arrêt de la cigarette dépassent de très loin les inconvénients liés au stress du sevrage. Pour le bébé, au bout de 48h d’arrêt de la cigarette seulement, il y a un retour à la normale de l’oxygénation du fœtus, une reprise de sa croissance et de l’appétit maternel. Au bout de 72h, les risques de prématurité et de rupture prématurée de la membrane sont réduits.

Les premières années de vie

Pour le nouveau-né

Finalement vous êtes passée à travers tous ces risques et votre enfant, survivant à l’environnement toxique de votre ventre, vient enfin au monde.

Il n’est toutefois pas encore sorti d’affaire, car tout cela a laissé des traces et le risque de mort subite du nourrisson est multiplié par 3 à 413. Il fera également plus d’apnées du sommeil qui seront d’autant plus longues que la mère a fumé pendant la grossesse.

Si vous désirez allaiter, faites-le même si vous continuez à fumer. Cela sera plus difficile pour vous car la production lactée est diminuée de 30 % à 50 %14, mais cela aidera tout de même votre nourrisson à mieux résister au tabagisme passif que s’il était nourri au lait artificiel. Le tabagisme lacté est bien entendu plus nocif que l’absence totale de tabagisme.

Par la suite, ne vous étonnez pas si votre enfant est victime d’infections respiratoires et d’asthme pendant sa première année. Cela arrive chez 45 % des enfants de parents fumeurs15. Sa pression artérielle sera aussi supérieure à la normale et son développement psychomoteur et cognitif ralenti.

Un étude éclairante

Une étude portant sur 17 000 enfants a en effet montré une diminution significative des scores de mathématiques et de lecture à l’âge de sept, onze et seize ans et un niveau socio-professionnel plus bas à l’âge de 23 ans pour les enfants exposés au tabac pendant la grossesse.16 Une autre étude portant sur 1 265 enfants étalée sur quinze ans a également mis en évidence une hausse assez importante des troubles du comportement chez les enfants dont les mères avaient fumé plus de vingt cigarettes par jour pendant la grossesse17.

Ces résultats ont été confirmés par une étude de 2015 de l’université de Durham et Lancaster utilisant l’échographie 4D et qui montre un développement psychomoteur plus tardif in utero. Concrètement, les bébés de mères fumeuses font certains mouvements dans le ventre de leur mère beaucoup plus tardivement que ceux des mères non-fumeuses.

Mais bon… ce n’est quand même pas bien cher payé, si cela vous permet d’obtenir quelques minutes de détente dans votre journée, n’est-ce pas ?

Et le papa dans tout ça ?

Outre les effets sur la fertilité masculine déjà évoqués, une étude d’octobre 2018 du Collège de Médecine de la Florida State University18 suggère que l’exposition des hommes à la nicotine pourrait mener à des mutations génétiques du sperme amenant à des déficiences cognitives de leur descendance, que l’étude a pu observer sur deux générations. L’altération du sperme porte sur des gènes impliqués dans la mémoire et l’apprentissage. Dans leur étude, les descendants présentaient des troubles du comportement comme de l’hyperactivité, des déficits d’attention et de la rigidité cognitive. Bien que l’étude ait été faite sur des souris et qu’elle aie besoin d’être répliquée, ses auteurs pensent qu’elle peut être extrapolée aux humains.

Pour résumer, le père qui fume transmet potentiellement des troubles comportementaux à toute sa descendance.

La bonne nouvelle, c’est que le cycle du sperme étant de 74 jours en moyenne, c’est le temps qu’il faut attendre après l’arrêt de la cigarette pour que l’ensemble des spermatozoïdes aient été renouvelés et que ces modifications génétiques transmissibles aient disparu.

Et pour après…

Nos enfants sont de bien des manières dépendants de nous. Nous leur apportons aide et support dans tous les moments de leur vie et leur permettons, du mieux que nous le pouvons, de devenir des adultes épanouis. En tout cas, nous essayons !

Ceci n’est cependant possible que si on est encore là pour le faire.

Quel que soit l’âge de vos enfants, si vous en avez, pensez-vous qu’ils auront la même vie si vous n’êtes plus là l’année prochaine ? Imaginez-vous que votre disparition sera neutre pour eux et qu’il n’y aura aucune différence si cela arrive maintenant ou dans quinze ans ?

On l’oublie souvent mais nous sommes intimement liés à nos proches et tout ce qui nous arrive les touche également et peut avoir une grande influence sur leur vie. Le risque que chacun prend en fumant est un risque qu’il ne prend pas uniquement pour lui, mais également pour toutes les personnes qui l’aiment.


Sources

1 2000, Tabac et grossesse., Colau JC., Delcroix M., Guibert J., Rougaignon C., Encyl Méd Chir Gynécologie/obstétrique 5-48-M-30, 2000, 10 p.7

2 09/2011, Menopause, Lu et al., doi: 10.1097/gme.0b013e318224f9ac.

3 1997, Age at natural menopause in a population-based screening cohort: the role of menarche, fecundity, and lifestyle factors. Van Noord, P.A., et al., Fertil Steril, 1997. 68(1): p. 95-102.

4 12/2015, Smoking and Male Infertility: An Evidence-Based Review, Avi Harlev, Ashok Agarwal, Sezgin Ozgur Gunes, Amit Shetty and Stefan Simon du Plessis, World J Mens Health. 2015 Dec; 33(3): 143–160.

5 1992, The effect of cigarette smoking, Chlamydia trachomatis infection and vaginal douching on ectopic pregnancy, Philipps RS., Tuomala RE., Feldblum PJ., Schachter J., Rosenberg MJ., Aronson MD., Obstet Gynecol 1992 ; 79 : 1, 85-89.

6 1992, Cigarette, Alcohol and coffee consumption and spontaneous abortion, Armstron BG., Swan SH., Fenster L., Am J Public Health 1992 ; 82 : 85-87.

7 Saignement génital survenant en dehors des règles.

8 1986, Lincoln R. Smoking and reproduction. Family planning perspectives, 1986; 18 : 79-83.

9 L’hormone chorionique gonadotrope humaine est une hormone glycoprotéique produite au cours de la grossesse de la femme qui participe à maintenir la muqueuse utérine destinée à accueillir l’embryon lors de la nidation.

10 2001, Measures of maternal tobacco exposure and infant birth weight at term, England LJ. Kendrick JS., Gargiullo, PM., Zahniser SC., Hanon WH., Am J Epidemiol 2001 ; 153 : 954-960.

11 1994, Low birthweight at term and the timing of fetal exposure to maternal smoking, Liberman, E., Grery, I., Lang, JM., Cohen AP, Am J Public Health 1994 ; 84 (7) : 1127-1131.

12 Voir Cela me détend !

13 1992, Relationship of sudden infant death syndrome to maternel smoking during and after pregnancy, Schoendorf KC, Kiely JL, in Pediatrics, vol 90, n°6, pp 905-908.

14 1992, Milk production by mothers of premature infants: influence of cigarette smoking, Hopkinson JM, Schanler RJ, Fraley JK, Garza C. Pediatrics.;90 :934– 938 Abstract

15 2014, Cotinine in children admitted for asthma and readmission, Howrylak JA1, Spanier AJ, Huang B, Peake RW, Kellogg MD, Sauers H, Kahn RS. Pediatrics. 2014 Feb;133(2):e355-62. doi: 10.1542/peds.2013-2422. Epub 2014 Jan 20.

16 1988, Smoking in pregnancy and development into early adulthood, Fogelman K.R., Manor, O., BMJ 1988; 297 (6658): 1233-1236.

17 1993, Maternal smoking before and after pregnancy: effects on behavioral outcomes in middle childhood, Ferguson, D.M., Horwood L.J., Lynskey, Pediatrics 1993; 92 (6) :815-822.

18 16/10/2018, Nicotine exposure of male mice produces behavioral impairment in multiple generations of descendants, Pradeep G. Bhide et al., open-access journal PLOS Biology


Cet article est un extrait du livre : Arrêter de fumer n’a jamais été aussi facile !

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