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Aucune preuve scientifique
Quoi qu’en disent les fervents défenseurs de l’hypnothérapie, dont je fais partie, dans sa capacité à aider les personnes qui le souhaitent à arrêter de fumer, les études scientifiques en attestant se font attendre.
Comprenons bien, ce n’est pas qu’il n’y a pas eu d’études sur le sujet. Il y en a eu beaucoup, mais elles n’ont pas réussi à conclure en faveur de l’efficacité de l’hypnose dans le cadre du sevrage tabagique. Ce qui ne veut pas dire non plus qu’elles ont conclu à son efficacité… mais qu’on ne peut pas conclure !
Une récente revue de la littérature scientifique effectuée par Joseph Green du département de psychologie appliquée de l’université d’Amity nous éclaire un peu sur le sujet. Sur les 27 études publiées sur le sujet, seules 8 répondaient aux critères de qualités retenus pour la revue.
Cela signifie que de nombreuses études ne permettent pas de tirer des conclusions valables, soit parce que l’échantillon de personnes est trop petit, soit parce qu’il existe des biais de méthodologie, soit pour d’autres raisons. Elles sont donc purement écartées.
Lorsqu’on affirme quelque chose, c’est bien d’être en mesure d’en apporter des preuves, et des preuves solides. C’est là tout l’intérêt de la démarche scientifiques, qui permet d’écarter des promesses parfois un peu trop partisanes.
Revenons à cette étude.
Pas d’effet concluant sur le sevrage tabagique
Elle conclue que, bien que l’hypnothérapie ait un effet apparent sur les changements d’habitude et de comportement,« Les résultats montrent que l’hypnothérapie a un effet non concluant sur le sevrage tabagique dans la population cible »
Pourquoi y a-t-il un tel décalage entre l’expérience clinique de certains praticiens, dont je fais partie, et les résultats de cette étude. Dans ma pratique, mon expérience professionnelle personnelle tend à me montrer que les séances d’hypnose pour arrêter de fumer sont au contraire très efficaces. Mais il est possible que je me trompe.
Notons que le but de l’approche scientifique est justement de nous prouver des choses qui ne sont pas absolument évidentes, et qui sont même souvent contre-intuitives, comme le fait que le soleil tourne autour de la Terre.
Ceci dit, d’après les retours que j’ai et le bouche à oreille concernant mes consultations d’hypnose pour arrêter de fumer et la méthode Switchgood que j’ai créée, les résultats, s’ils n’atteignent bien évidemment pas 100 %, semble très, très bons. Vraiment.
Peut-être suis-je aussi soumis à un bien de confirmation, auquel je ne suis bien entendu pas immunisé.
Des lacunes dans la recherche
Un premier élément de réponse nous est fourni dans la conclusion de l’étude (qui est bien faite), pour peu qu’on se donne la peine de la lire :
La plupart des recherches sur l’hypnothérapie ont utilisé une combinaison de plusieurs éléments de traitement au lieu de comparer un élément à un autre. Par conséquent, il est difficile de déterminer si les taux d’abandon du tabac étaient le résultat de l’hypnothérapie ou s’ils étaient influencés par d’autres éléments. Il existe divers facteurs externes (de la part du chercheur et du participant) qui peuvent affecter le résultat du traitement, tels que le type de suggestion hypnotique, la motivation intrinsèque, les insécurités, la conviction et les attentes du participant à l’égard du traitement. La majorité des études ne prennent pas en compte ces facteurs lorsqu’elles établissent l’efficacité de l’hypnothérapie pour arrêter de fumer.
De plus, il n’existe aucun protocole standard pour les interventions hypnotiques pour arrêter de fumer. En raison de l’absence de telles normes, il est difficile de comparer les différentes études. Contrairement à un médicament, dont on peut contrôler précisément les doses et la fréquence, on ne sait pas réellement ce qui est “administré” durant une séance d’hypnose. Une autre limite qui entrave l’évaluation de l’hypnothérapie en tant qu’intervention est l’absence de tout outil standardisé permettant de vérifier si l’état d’hypnose a été induit chez le participant.
Ceci est indiqué dans la section : LACUNES DANS LA RECHERCHE
Car l’approche scientifique incite les chercheurs à identifier, avec toute l’objectivité dont ils sont capables, les lacunes dans ce qu’ils affirment, contrairement à la plupart des affirmations que l’on trouve ici et là..
Cette section identifie des aspects qui rendent les études sur l’efficacité de l’hypnothérapie (ou de beaucoup de thérapies d’ailleurs) compliquée.
Prenons ces éléments un par un.
L’influence de l’hypnothérapie ou d’autres éléments.
La manière dont j’amène les personnes à arrêter de fumer lorsqu’elles m’appellent pour prendre rendez-vous pour une séance d’hypnothérapie commence dès ce premier coup de fil. Il y a des recommandations avant la séance, notamment la lecture d’un livre, puis dans la séance un entretien préalable, et enfin la séance d’hypnose à proprement dite. Dans la méthode Switchgood, il y a également énormément d’éléments (la lecture d’un livre, des vidéos explicatives et motivationnelles, des enregistrements mp3 d’autohypnose à écouter, …).
Autant dire qu’il y a énormément d’éléments qui rentrent en comptent dans cette dynamique, à la fois de coaching, de psychologie, d’hypnose, et du côté du patient de motivation, d’engagement, de réflexion, etc.
Chercher à isoler l’influence d’un seul de ces éléments, serait comme d’évaluer l’influence de chaque ingrédient dans le résultat final d’une recette de gâteau. Parfois une toute petite différence (oups j’ai oublié la levure), donne un résultat complètement différent.
Nous ne sommes pas très loin de la théorie du chaos ou de la difficulté à prévoir la météo, malgré des modèles toujours plus évolués.
L’absence de protocole standard de sevrage tabagique en hypnothérapie.
Il y a autant d’approches pour accompagner dans le sevrage tabagique en hypnothérapie que de thérapeutes. Les différentes études sur le sujet, si chacune tente sans doute d’utiliser un protocole standard au sein de chaque étude, n’utilisent pas la même approche entre les différentes études. Et bien entendu, l’étude évalue en général un seul thérapeute, dans toute sa singularité de praticien.
La vérification de l’état d’hypnose
C’est un grand sujet, car il n’y a pas à ce jour de consensus sur le fait que l’hypnose soit ou non un état, ou un jeu relationnel. Si c’est bel et bien un état, on ne sait pas encore le mesurer. Une étude de 2011 a bien conclu qu’il existait un état hypnotique bien réel en se basant sur les mouvements oculaires, mais la recherche est compliquée et suscite de moins intérêt, par le manque de résultats tangibles obtenus. Par ailleurs, cet état est-il le seul en jeu. Que penser des différentes approches pour induire un état d’hypnose ?
La difficulté à mener des recherches sur l’hypnose
En science, on essaye d’isoler chaque paramètre afin de pouvoir identifier son influence sur le résultat final.
Et en parlant d’hypnothérapie, les paramètres sont très nombreux. En voici quelques-uns, et la liste est loin d’être exhaustive :
- entretien préalable : durée/contenu
- technique d’induction de l’état d’hypnose
- techniques thérapeutiques utilisées une fois en état d’hypnose. Il y en a souvent plusieurs, parmi des métaphores, des jeux mentaux, et autres.
- durée des séances
- séances individuelles / de groupe
- nombre de séances
Juste avec ces paramètres on obtient déjà d’innombrables configurations possibles, et donc autant d’approches différentes du sevrage tabagique par hypnothérapie.
Par ailleurs l’hypnothérapie est une approche cherchant à obtenir une plus grande suggestibilité du sujet. Les moyens d’obtenir cette influence accrue aux paroles du thérapeute sont très nombreuses, et souvent non limitées à la phase hypnotique.
Il n’y a donc pas d’hypnothérapie en tant que tel, mais des hypnothérapies.
Ajoutons à cela que certains praticiens n’utilisent pas toujours la même approche à chaque séance, et on augmente d’un cran la complexité à évaluer tout cela.
Comment mener des recherches sur l’hypnothérapie dans le cadre du sevrage tabagique ?
La question est complexe.
A mon sens, il faudrait intégrer un grand nombre d’hypnothérapeutes volontaires à une recherche.
Dans un premier temps, il faudrait écarter de la recherche ceux qui n’utilisent pas d’approche relativement standard. Non que cela soit une panacée, mais les approches plus improvisées ne sont juste pas évaluables.
Ces hypnothérapeutes devraient être en mesure de décrire leur approche de manière à ce que les différents éléments qui la composent soient identifiables.
On everrait alors un questionnaire sà tous leurs patients afin d’évaluer de manière anonyme les résultats.
Ceci permettrait d’identifier les approches les plus prometteuses, tout en faisant attention aux biais statistiques, d’où l’importance de la taille de l’échantillon.
Ensuite la phase suivante validerait que les approches en question donnent bien les résultats prometteurs détectés par réplication.
Pour les approches répliquées, une analyse fine des différentes étapes, pourrait permettre d’identifier celles qui paraissent avoir moins d’impact que d’autres.
Enfin des expériences faisant varier tel ou tel paramètre seraient à même de prouver ou d’infirmer l’efficacité de tel ou tel aspect des séances.
Et donc de montrer si l’aspect hypnose est le plus important ou pas.
Un cran plus loin dans la recherche
Ce n’est pas à mon sens le résultat le plus intéressant de ce type de recherche, mais la possibilité d’aboutir à une forme de protocole standardisé, peut-être avec des variantes en fonction du type de population (ce que l’analyse statistique peut permettre), plus efficace et aboutissant à une méthode pour arrêter de fumer en psychothérapie qui utiliserait l’hypnose, ou pas suivant les résultats.
C’est clair, une telle recherche est ambitieuse. Sa mise en œuvre nécessite des moyens très conséquents.
En attendant, seul le bouche à oreille de tel ou tel praticien semble pouvoir réellement rendre compte de la qualité de son approche.
L’hypnose n’est en soi qu’un élément de la séance, tout comme l’anesthésie n’est qu’un élément de l’opération chirurgicale. Se poser la question ; « est-ce que l’hypnose est efficace pour tel ou tel problème, est la même que se demander si l’anesthésie est efficace sur telle ou telle maladie. La vraie question, c’est ; que fait-on une fois que la personne est dans cet état ? Et si en chirurgie les approches sont assez standardisées, avec une dose d’improvisation propre à chaque médecin en fonction de ce qu’il rencontre, ce n’est pas du tout le cas dans le domaine de l’hypnothérapie.
Le mystère reste donc entier, et la réponse scientifique à l’efficacité de l’hypnose n’est à mon avis pas prête d’arriver.